Les racines de notre modernité
Vers l’âge de 12 ans, l’enfant se tourne vers l’adolescence, sa force intellectuelle s’accroît, ainsi que son intérêt pour les réalisations pratiques et techniques. D'un autre côté, sa vie intérieure devient plus autonome et plus intense. En affinité avec ces deux aspects, les deux grandes périodes d’histoire en 6e classe, seront consacrées à la civilisation romaine et au Moyen Âge.
Avec la civilisation romaine apparaît une mentalité nouvelle dans l’humanité, essentiellement tournée vers la maîtrise du monde physique et les préoccupations matérielles. Les Grecs réalisèrent des prouesses dans les domaines de l’art, de l’évolution des idées et des formes sociales ; les Romains, quant à eux, excellèrent dans l’art de la guerre, l’élaboration du droit et les prouesses techniques, notamment dans la construction.
La partie mythique de la fondation de Rome (l’Énéide, Remus et Romulus, les sept rois de Rome) sera relatée dans les histoires de fin de cours.
Ces récits permettent aux enfants de percevoir, sous forme imagée les étapes ayant fait transiter l’humanité des formes sociales de type monarchique et sacerdotal à l’organisation républicaine dominée par le pouvoir temporel. L’esprit de conquête, propre à la mentalité moderne, apparaît avec l’extension de l’empire romain fondée, pour une part importante, sur les ambitions personnelles et la soif de pouvoir. La mise en place d’un système juridique élaboré ne pouvant conserver la maîtrise de territoires devenus trop vastes et incontrôlables, la décadence morale résultant d’un idéal de jouissance matérielle se réduisant à « du pain et des jeux », la perversion morale d’empereurs s’identifiant à la divinité, conduiront, à la faveur des invasions barbares, à la chute d’un système voué à sa propre destruction.
Le Moyen Âge voit émerger une tout autre tonalité : cette période connaît une intériorisation des sentiments religieux favorisée par la forme des églises romanes puis par la construction des cathédrales, l’implantation des ordres réguliers et la domination du clergé séculier.
L’Europe germe et se forme au sein d’une structure féodale fondée sur des codes sociaux hiérarchisés, sur l’exaltation de l’amour courtois et de l’esprit chevaleresque incluant l’art guerrier. Le Moyen Âge avec ses controverses, ses vastes mouvements religieux (pèlerinages et croisades), le développement de l’artisanat, de l’agriculture et des villes exprime un processus d’intériorisation préparant l’avènement du monde moderne. L’étude des mondes médiéval et romain se rencontre à profit avec la maturité de l’enfant de 12 ans.
En 7e et en 8e classe le jeune adolescent qui revendique haut et fort « son droit » à avoir ses propres goûts, ses propres idées, etc., exprime une volonté d’émancipation le poussant à franchir des limites inconnues. Il ressent l’impulsion intérieure de se chercher lui-même et aspire à conquérir ce « nouveau monde », ces régions dans lesquelles germe encore son avenir. Historiquement, cet abandon à « ce qui vient », cette envie de « larguer les amarres », se retrouve à l’aube de la Renaissance, au début des grandes découvertes, notamment lors du franchissement du Cap de Bojador (« Cap de la peur ») en 1434, qui constituait la limite du monde connu par l’Europe médiévale. Le passage de cette inquiétante mer bouillonnante requérant audace et courage, correspond à l’épreuve de l’adolescence où l’enfance, ayant pris le large, se trouve placée dans cette zone de turbulence annonçant la découverte d’un nouveau monde. Le jeune doit, peu à peu, apprendre à s’appuyer sur lui-même, à trouver en lui-même les forces de s’orienter vers l’avenir...
En 7e classe, les élèves découvrent les événements historiques qui ont bouleversé la conscience humaine, changé radicalement la perception de la Terre et créé les conditions culturelles de notre monde moderne. La personne humaine acquiert davantage d’importance : les premières signatures de tableau apparaissent au XVème ; Martin Luther ose opposer au dogme et à la hiérarchie papale une vision plus individualiste de la religion autorisant chacun à intérioriser de façon personnelle les textes bibliques. Le centre de gravité des préoccupations se déplace de Dieu vers l’individu : « L’homme est la mesure de toute chose » ! Les fenêtres sur le monde extérieur s’ouvrent également : grandes découvertes de terres inconnues, de l’imprimerie, de « l’imagination » scientifique (Léonard de Vinci), Ces thématiques correspondent bien aux préludes de l’adolescence, marqués par des bouleversements biologiques, par l’émergence d’une conscience centrée sur la personnalité et par la soif de découverte du monde. À 1 3 ans, le jeune ressent cet appel émancipateur, ce génie inventif qui foisonne d’idées tout en aspirant à connaître et à maîtriser les lois naturelles !
La période moderne, abordée en 8e classe, est marquée par l’avènement du sentiment d’universalité humaine. Dans le domaine du droit cela se traduit par l’idée selon laquelle tous les hommes sont égaux. Afin de mieux faire apparaître la rupture qui va s’opérer à la fin du XVIIIème siècle, l’étude historique en 8ème classe débute par la figure de Louis XIV. La construction du château de Versailles, la vie fastueuse à la cour, les privilèges des hauts rangs s’opposent à la grande pauvreté de la plus grande partie de la population. Par de telles images, le jeune élève va ressentir avec force les sentiments de justice et d’injustice résultant d’une forme sociale fondée sur les privilèges du sang plutôt que sur le mérite.
La présentation de la Révolution française vient ensuite apporter un contrepoids libérateur. Malgré ses excès et ses déchaînements passionnels souvent meurtriers, cette impulsion exprime l’affirmation d’une société rompant avec la hiérarchisation des hommes en fonction de leur naissance. Un travail détaillé permet aux élèves de comprendre les restructurations profondes à travers l’instauration du tiers état, la formation des États Généraux, les nouvelles modalités de vote, le serment du jeu de paume, la prise de la Bastille… menant à l’arrêt de tous les privilèges et à la quête d’un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. Les actes de Napoléon, ses conquêtes et son livre de loi (le « Code Napoléon »), dans lequel l’égalité de tous les citoyens est affirmée sont également abordés. Durant cette même période, l’Amérique du Nord bataille pour une indépendance qui va aboutir à la création des États-Unis. L’émergence de l’industrialisation et de la révolution industrielle, l’avènement d’une conscience de classe, engendrent une transformation des structures sociétales et l’homme se voit placé devant la nécessité de créer lui-même un ordre social nouveau. En 8e classe (14 ans), l’adolescent porte en lui des questions sur le monde et sur son organisation, il est mûr pour aborder les temps modernes.