Le point d'orgue du premier cycle
Historiquement, les élèves des écoles Steiner Waldorf quittaient bien souvent l’école à la fin de la 8e classe, pour partir vers des apprentissages ou commencer un métier, la scolarité étant plus courte. Cette classe était donc la dernière de leur scolarité et l’occasion de dire au revoir au professeur qui les avait accompagnés pendant huit ans. Une classe particulière aurait, raconte-t-on, eu l’idée de mettre sur pied une pièce de théâtre en hommage à leur professeur. Ainsi serait née la tradition de créer une pièce de théâtre à la fin de la 8e classe. Au-delà de l’anecdote, ce projet a un immense intérêt pédagogique.
Durant la période de l’adolescence, au cours de laquelle l’élève entre dans un vécu problématique, voir difficile, du lien social, un projet impliquant toute la communauté de la classe, élèves et professeurs, dans un but commun partagé, est une grande aide pédagogique…
Amener les élèves à s’éveiller à la responsabilité
Grâce au projet théâtral, les élèves sont amenés à dépasser la tendance, qu’ils peuvent manifester à cet âge, à l ‘égoïsme et au repli sur soi, pour œuvrer ensemble, concevoir des décors, faires des ébauches préparatoires, dessiner et peindre, monter des décors en bois, travailler des morceaux d’orchestre… L’implication et les talents de chacun sont reconnus dans leur différence et leur complémentarité. La force du groupe a un effet moteur sur l’implication et la mobilisation de chaque jeune, les professeurs se bornant idéalement à veiller globalement sur la bonne marche du projet. Ainsi le sens de la responsabilité des élèves s’éveille-t-il de lui-même, par sa propre force, sans injonctions excessives de l’adulte.
Favoriser l’expression personnelle et le regard bienveillant sur l’autre.
Les élèves de 14 ans ont souvent un langage « hermétique », un vocabulaire spécifique, stéréotypé, qui témoigne d’une tendance au repli sur soi. Cela constitue aussi un masque derrière lequel ils se cachent, pour protéger leur intimité encore naissante et fragile. Il est donc important, dans la continuité du cours de français et de littérature qui aborde la multiplicité des langages et des formes littéraires, de proposer aux élèves d’entrer dans un langage particulier, propre à une œuvre, étranger à ce qu’ils connaissent et utilisent spontanément. Un effort de volonté est demandé aux élèves pour intégrer ce langage, le maîtriser, ainsi que les exigences propres au travail théâtral.
La pose de la voix s’avère souvent, pour des jeunes de cet âge, un vrai combat, et la joie est immense lorsque les limites que l’on croyait intangibles sont dépassées. Tandis que les uns récitent et jouent leurs textes, les autres regardent, proposent des pistes d’améliorations : un regard à la fois critique et bienveillant est encouragé entre les élèves, avec succès la plupart du temps, notamment du fait que les élèves, après huit ans passés dans la même classe, se connaissent et s’apprécient profondément.
Ainsi, les jeunes sont placés en situation d’expérimenter avec leur voix et leur corps, de prendre petit à petit confiance en eux-mêmes, jusqu’à se produire devant un vrai public, mais aussi de développer un autre regard sur les autres, à parfois réviser les jugements qu’ils ont souvent tendance à porter sans nuances sur leurs camarades…
L’expression personnelle des élèves est recherchée dans un autre domaine encore : au moment de dessiner les décors, de fabriquer les costumes, les jeunes, qui sont déjà en possession des outils techniques acquis dans les différents cours (lois de la perspective pour le dessin, perspectives de couleurs en peinture, utilisation de la couture en travaux manuels, etc.), peuvent se concentrer sur les aspects créatifs du travail, au service de l’expression scénique.
Donner à l’élève une « assurance pour l’avenir »
Enfin, un intérêt majeur des représentations théâtrales est de donner à l’élève l’occasion - qui constituera pour lui, au cours de sa vie, un repère, un soutien sur lequel il pourra s’appuyer quand il sera confronté à la nouveauté - de monter sur les planches, de dépasser sa peur, de parler haut et fort, d’être finalement applaudi par des centaines de personnes… Quel plus beau cadeau peut-on offrir à des jeunes en devenir, que ce moment-là ?